
La charrue est un outil agronomique de lutte contre le développement des adventices dans les parcelles agricoles. Le labour réduit considérablement le stock semencier en surface, détruit mécaniquement les mauvaises herbes germées et perturbe le développement des vivaces.
La nuisibilité des adventices sur les rendements des cultures céréalières est avérée et non négligeable. En combinant le labour avec d'autres pratiques agronomiques, la gestion des adventices et leur prolifération est fortement maîtrisé.
Quelles sont les caractéristiques des adventices?
Les adventices plus communément appelées "mauvaises herbes" sont nombreuses et variées. Pour mieux les contrôler, il est important de bien comprendre leur biologie.
On distingue 2 grandes catégories d'adventices :
les vivaces
les annuelles
Les vivaces
Les espèces d'adventices vivaces prolifèrent via la fragmentation de leur organe végétatif : rhizomes, racines tubérisées, drageons, stolons.
Exemples de vivaces fréquentes dans les cultures : rumex, chiendent, chardon des champs, laiteron des champs, liseron, etc.
Le rumex est une adventice vivace difficile à éradiquer.
Le chiendent est une plante vivace envahissante.
- Les adventices vivaces sont difficiles à éradiquer car leur capacité régénérative se situe dans leurs racines. La fragmentation des rhizomes engendre l'apparition de nouvelles pousses de l'adventice.
- Outre leur capacité à se multiplier rapidement, les vivaces ont aussi la spécificité d'accumuler des réserves dans leurs racines, leur permettant de survivre plusieurs années dans le sol.
Les annuelles
Les annuelles constituent 80 % des espèces d'adventices que l'on trouve dans les grandes cultures.
Exemple d'adventices et de graminées annuelles : vulpin, amarante, coquelicot, chénopode, séneçon, sétaire, ray-grass, brome, folle-avoine, etc.
Le vulpin est une adventice annuelle présente dans les cultures de céréales.
Le chénopode blanc fait parte des adventices annuelles.
- Les plantes annuelles ont une durée de vie d'un an maximum, mais elles se multiplient rapidement en produisant des graines.
- Ces graines germent à faible profondeur, soit dans les 5 premiers centimètres du sol, et croissent rapidement.
Le labour agit comme un désherbant mécanique principalement sur les annuelles, contribuant ainsi à réguler significativement l’évolution de cette flore adventice.
Le taux annuel de décroissance
Le Taux Annuel de Décroissance révèle la durée de vie des graines dans le sol. Chaque graine indésirable, lorsqu'elle est enfouie, possède une espérance de vie et un potentiel de germination qui varient. Le Taux Annuel de Décroissance (TAD) évalue, pour chaque espèce, le pourcentage de graines qui perdent leur aptitude à germer après un an d'enfouissement dans le sol.
Le travail du sol profond agit de manière préventive et curative contre les adventices en mettant en dormance et en bloquant la germination de leurs graines. Ainsi, le labour sera efficace contre des mauvaises herbes ayant un TAD élevé, telles que le vulpin, le ray-grass, la folle avoine ou le brome stérile, dont le TAD se situe entre 70 et 95 %. Une fois enfouies, ces graines d'adventices perdent rapidement leur capacité à germer. Si le labour est réalisé 2 à 3 ans après le premier, la proportion de graines viables est très réduite et elles ne germeront pas une fois mises en surface.
Quels sont les leviers agronomiques pour maîtriser les adventices dans les parcelles?
De nombreux agriculteurs se servent des herbicides comme une garantie contre le risque de salissement des parcelles, mais il est plus avisé d'employer les herbicides en tant que dernière étape d'un plan de lutte contre les adventices. Certaines approches préventives (avant la levée des adventices) peuvent empêcher l'invasion par celles-ci sans nécessiter de traitements curatifs (après leur apparition).
Les interventions de travail du sol (déchaumage, labour, faux-semis) associées à une utilisation appropriée des herbicides garantissent une gestion pérenne des adventices dans les cultures et contribuent à l'augmentation des rendements.
La diversité et l'allongement des rotations culturales
La rotation culturale est un levier pour maîtriser la pression adventices. Elle l'est d'autant plus dans les systèmes de culture sans ou avec peu de travail du sol (Agriculture de Conservation des Sols ou Techniques Culturales Simplifiées).
Les espèces adventices se spécialisent en fonction de la culture implantée. Par exemple :
- Les graminées se développent dans des rotations blé-maïs;
- Le ray-grass se trouvent plus présents dans des monocultures de blé;
- Les séneçons sont majoritaires dans les rotations d'oléoprotéagineux.
L'intégration d'une culture de printemps (comme le maïs, le tournesol, ou les pois) dans une rotation colza/blé/orge d'hiver réduit considérablement la pression exercée par les graminées d'automne.
A l'échelle de la rotation, il peut être intéressant d'utiliser les couverts d'interculture comme moyens de lutte préventive contre le développement des adventices. En effet, les couverts végétaux exercent une concurrence vis-à-vis des adventices par l’ombrage et l'accès pour l’eau et l’azote. Cette compétition avec les adventices est particulièrement marquée lorsque le couvert est bien implanté, avec une installation rapide et une bonne couverture du sol. En revanche, si le couvert est mal implanté ou peu développé, le contrôle des adventices ou des repousses sera moins efficace.
De façon générale, la diversification et l'allongement des rotations empêchent la spécialisation de la végétation, ce qui rend le désherbage plus aisé. Il est plus simple de contrôler des adventices hétérogènes qu'une forte concentration d'une seule espèce.
Cette alternance influence surtout les adventices qui germent de manière privilégiée en automne ou au printemps. Elle a un impact réduit sur celles qui peuvent germer durant toute l'année (comme les pâturins et les matricaires).
Le décalage des dates de semis
Dans les cultures de céréales à paille, un report de la date de semis permet de diminuer la germination des graminées d'automne (comme les vulpins, les bromes et, dans une moindre mesure, le ray-grass), mais cela impacte aussi les coquelicots, les capselles et les pensées. L'efficacité de cette méthode est d'autant plus renforcée lorsqu'elle est associée à un labour. Comparé à un semis effectué à la fin septembre, un décalage de 15 jours peut entraîner une réduction de plus de 70 % de l'infestation.
Il est essentiel d'évaluer correctement le rapport entre les avantages et les risques d'un décalage de semis. En effet, bien que le report de la date de semis puisse entraîner une diminution de l'utilisation de produits phytosanitaires (moins de pucerons, moins de mauvaises herbes), cette méthode comporte également des inconvénients. Le potentiel de rendement de la culture est légèrement réduit et les conditions d'implantation deviennent plus complexes. En effet, plus la date de semis est repoussée, plus le nombre de jours disponibles pour semer est limité, en particulier pour les sols lourds et/ou sensibles à l'humidité.
Le travail du sol en interculture
Le travail du sol englobe plusieurs leviers agronomiques tels que le faux semis, le déchaumage et le labour pour gérer les adventices. Chaque intervention doit être raisonnée dans une stratégie de désherbage durable pour réduire l'utilisation de produits phytosanitaires.
Les pratiques culturales ont des effets variables sur le stock semencier des plantes adventices présentes dans les parcelles agricoles.
Interventions | Diminution du stock semencier | Destruction | |||
|---|---|---|---|---|---|
Adventices annuelles | Adventices vivaces | ||||
Plantes jeunes | Plantes développées | ||||
Déchaumage superficiel = faux semis | 1 passage | ||||
Plusieurs passages | |||||
Déchaumage profond | 1 passage | ||||
Plusieurs passages | |||||
Labour | |||||
Très efficace | Assez efficace | Efficace | Peu efficace |
Comment le labour agit-il sur la maîtrise des adventices?
Epuisement du stock semencier
85% des adventices annuelles germent dans les 5 premiers centimètres du sol. Labourer avant le semis permet d'enfouir en profondeur, les graines adventices présentent en surface. Une fois enfouies en profondeur, les graines adventices perdent leur viabilité. C'est le cas notamment des graminées. Le labour est capable de faire disparaître jusqu'à 60% des graminées. Il est intéressant à implémenter dans une stratégie d'épuisement contre les graminées annuelles, les bromes et certaines dicotylédones.
Le labour affaiblit les vivaces en les fractionnant affectant par la même occasion leurs organes végétatifs et en les mettant en profondeur.
Destruction mécanique des repousses et des jeunes plantules
Le labour élimine aussi les adventices présentes à la surface du sol, laissant la parcelle exempte de tout résidu avant le semis de la culture suivante. Il est recommandé de labourer à une profondeur maximale de 20 cm afin de minimiser la dilution de la matière organique. Cette technique diminue considérablement les levées dans la culture qui suit.
Réduction des herbicides
L'abandon du labour dans les pratiques agricoles de conservation des sols ou dans les techniques culturales simplifiées conduit à une hausse de l'emploi des herbicides, notamment du glyphosate, pour gérer les adventices et les repousses de cultures. La quantité de glyphosate utilisée diminue lorsque l'intensité du travail du sol augmente.
La réintroduction du labour permet de réduire l'ITF herbicide (Indicateur de Fréquence Traitements) de 55% et de maîtriser durablement le salissement des parcelles. Les indicateurs économiques s'améliorent au cours des campagnes qui suivent l'instauration du labour, avec une augmentation des rendements et une réduction significative de l'utilisation de désherbants chimiques.
Un système qui associe des semis précoces, une rotation courte de cultures d'automne et un travail du sol simplifié favorise la présence d'adventices à germination automnale.
En cas de forte pression adventice, et particulièrement en cas d'échec de désherbage, la réintroduction du labour dans la rotation solutionne des situations avec des infestations devenues ingérables chimiquement.
L'herbicide le plus efficace ne sera vraiment satisfaisant que s'il cible 100 % des mauvaises herbes et ne réussira à supprimer qu'un dixième de la population potentielle présente dans le sol au cours d'une année. En réalité, seulement 10 % des graines présentes germent chaque année. En intégrant des méthodes agronomiques, la quantité de graines diminue plus rapidement.
En agriculture biologique, la stratégie de gestion des adventices dans les céréales passe par une intervention mécanique. Le labour empêche la germination des graines et vient détruire les adventices levées. Les levées d'adventices sont contrôlées mécaniquement avec des résultats sur les adventices comparables au glyphosate.
Sources:
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/vulpins-resistants-recourir-lagronomie-pour-gerer-les-populations
- https://blog.spotifarm.fr/tour-de-plaine-spotifarm/les-7-adventices-les-plus-repandues-en-grandes-cultures
- https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/Gestion_des_adventices
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/valoriser-les-rotations-et-les-periodes-de-semis
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/le-couvert-dinterculture-pour-limiter-les-infestations-dadventices
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/desherbage-des-cereales-dhiver-leviers-agronomiques-quel-impact-la-date-de-semis
- https://www.alliance-elevage.com/informations/article/cereales-a-paille-maitriser-les-mauvaises-herbes
- https://www.inrae.fr/actualites/agriculture-conservation-gestion-adventices-est-point-critique
- https://www.bayer-agri.fr/cultures/le-labour-une-technique-toujours-dactualite_4750
- https://www.terresinovia.fr/-/le-travail-du-sol-en-interculture-plusieurs-strategies-pour-la-gestion-des-adventices
- https://www.bayer-agri.fr/cultures/travail-du-sol-essentiel-pour-limiter-la-pression-des-adventices_1522/
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/utiliser-le-travail-du-sol-pour-lutter-contre-les-graminees-dautomne
- https://www.inrae.fr/actualites/agriculture-conservation-gestion-adventices-est-point-critique
- https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/le-desherbage-chimique-et-ses-alternatives-en-grandes-cultures-agreste-etudes-a5816.html
- https://www.tema-agriculture-terroirs.fr/cultivar-grandes-cultures/cultures/protection-des-cultures/a-chaque-flore-adventice-sa-strategie-agronomique-864901.php
- https://www.perspectives-agricoles.com/recherche-agronomie/gestion-des-adventices-annuelles-des-alternatives-aux-efficacites-variables
- https://www.arvalis.fr/infos-techniques/mieux-connaitre-les-adventices-pour-mieux-les-combattre
En résumé, l'efficacité de la gestion agronomique des adventices dépend de la mise en place de méthodes, qu'elles soient appliquées individuellement ou en combinaison, de manière réfléchie au niveau de la parcelle. Ces leviers agronomiques doivent être appliqués en tenant compte de la biologie des espèces, de l'historique d'infestation, des outils disponibles sur l'exploitation et du contexte pédoclimatique de la région.