Comment le labour peut-il contribuer à améliorer la structure du sol afin d'accroître les rendements des cultures ?

Vue rapprochée d'un champ labouré au sol rugueux et irrégulier

En fonction des conditions climatiques et des types de terre, l'abandon du travail du sol peut entraîner une dégradation physique des terres.

Le tassement du sol résulte de phénomènes naturels, comme des pluies abondantes, l'irrigation, mais aussi du passage plus ou moins fréquent des machines agricoles. Un sol fortement compacté empêche l'aération du sol ainsi que l'infiltration de l'eau. Le fonctionnement global du sol est entravé et l'exploration racinaire des plantes devient moins efficace. Pour redonner ses super-pouvoirs à votre sol, plusieurs leviers peuvent améliorer la structure, la qualité et la fertilité de vos parcelles.

Constater le niveau de tassement du sol

Selon ARVALIS, toute mesure corrective concernant la structure du sol (travaux de surface, décompactage, labour) doit être fondée sur un diagnostic qui évalue l'intensité et la profondeur des tassements : plus ces derniers sont profonds, plus leur réversibilité est difficile. Il est également important de considérer la sensibilité au tassement de la culture à implanter.

Après observation, si la structure du sol ne montre pas de tassements ou zones compactées alors la restructuration n'est pas nécessaire. En revanche, si la parcelle présente une compaction sévère alors il y a lieu d'intervenir pour restructurer le sol en se posant trois questions:

  • Est-ce que la culture est sensible au tassement ?
  • Quelle est le degré de compaction de la parcelle ?
  • Jusqu'à quelle profondeur le sol est-il tassé ?

Les cultures sensibles à la compaction nécessitent une restructuration dès qu'un tassement est observable, même si une régénération naturelle a déjà commencé. En revanche, pour les cultures moins sensibles, comme le blé, la régénération du sol n'est requise que si le tassement est important et que le sol présente des caractéristiques hydromorphes. Le tableau ci-dessous permet d'évaluer les niveaux de tassement et par conséquent les leviers à mettre en place pour le corriger.

Nécessité de régénération en fonction de l’intensité du tassement et de la sensibilité des cultures

 

Culture sensible au tassement 

Ex : maïs, pois, orge de printemps.

Culture peu sensible au tassement / peu exigeante 

Ex : blé

Tassement léger, ou modéré, en cours de régénération sous l'action du climat ou de l'activité biologiqueRestructuration à prévoirRestructuration inutile
Tassement marqué ou sévèreRestructuration à prévoirRestructuration inutile en sol sain mais nécessaire en sol hydromorphe
Comparaison du tassement du sol entre niveaux modéré et sévère
compaction modérée (côté gauche), compaction sévère (côté droit)

Certains sols sont particulièrement sensibles au tassement :

  • Dans les sols sableux, le climat n'influence pas la restructuration. De plus, on y trouve moins de vers de terre comparativement à d'autres types de sols. Or, les lombrics ainsi que d'autres organismes du sol tels que les microorganismes, les insectes et les racines jouent un rôle essentiel dans la restructuration d'un sol.
  • Les sols argileux présentent le désavantage d'être imperméables et très sensibles à la compaction. Durant la saison hivernale, les terrains argileux ont tendance à se saturer en eau et à devenir collants, puis à se solidifier en masses dures lorsque l'été arrive et qu'ils s'assèchent. 
  • Les sols calcaires sont souvent légers, bien qu'il existe occasionnellement des terres calcaires plus lourdes. Ces terres retiennent peu l'humidité, ce qui entraîne un risque élevé de compaction. En été, ils se dessèchent et la présence fréquente de pierres peut rendre le travail du sol laborieux.

La charrue, outil idéal pour corriger des tassements sévères

Selon ARVALIS, lorsque la structure du sol est altérée, la capacité de régénération liée au climat et aux activités biologiques du sol varie selon les types de sols et nécessite généralement plusieurs années. Les récoltes des automnes 2023 et 2024 n'ont pas été réalisées dans de bonnes conditions et ont causé des dégâts dans les parcelles. Ensuite, les quelques épisodes de gel de l'hiver 2024/2025 n'ont pas été suffisants pour obtenir une meilleure structure des sols. En fonction des objectifs de l'agriculteur, un labour peut alors être nécessaire.

«Certains préféreront ne pas déroger à leur choix du non-labour, quitte par exemple à renoncer à semer un blé tardivement, déclare Jérôme Labreuche, ingénieur agronome chez ARVALIS. Cela peut se révéler plus compliqué mais tout dépend de leurs priorités.» 

Alors que le labour peut être effectué dans une large plage d'humidité, ce n'est pas le cas pour le décompactage, qui nécessite un sol friable. En outre, les étés très secs des dernières années n'ont pas permis de décompacter avant l'implantation des couverts.

«Beaucoup de contre-vérités circulent dans le domaine de la fertilité des sols. Le labour est diabolisé, accusé de stériliser les sols. Pourtant nous avons observé une bonne fertilité du sol en situation de labours bien faits. Souvent, ce sont les conditions d’application qui sont mauvaises, pas la pratique en elle-même. Il faut intervenir au bon moment, sur un sol bien ressuyé, et au maximum à 20 cm de profondeur.», observe Jérôme Labreuche.

 

Le labour permet de ramener de la porosité et de décompacter les parcelles sévèrement tassées.

Yvan Gautronneau, ancien enseignant à l'ISARA de Lyon explique comment utiliser la charrue pour retrouver un état structurel correct ou comment améliorer la structure du sol en effectuant un labour agronomique?  :

  1. Réaliser un labour peu profond.
  2. Utiliser des charrues de 12 ou 14 pouces pour mieux disperser la matière organique dans le champ.
  3. Favoriser un labour hors raie afin de pouvoir équiper le tracteur de pneus à basse pression, pneus larges voire jumelés ou à chenille.
  4. Réaliser un labour tous les 2 ou 3 ans, selon les spécificités de chaque parcelle.
  5. Dans des sols limoneux ou à texture équilibrée, effectuer un déchaumage après la récolte pour prévenir les tassements qui s'accumulent d'année en année. Recourir à un déchaumeur à dents droites pour fragmenter le sol en profondeur.

Prévenir les tassements en amont

Limiter les passages

Évitez les déplacements aléatoires des machines sur les parcelles, car cela entraîne des tassements à long terme. Les systèmes de géolocalisation par parcelle (GPS, RTK) peuvent contribuer à réduire les traces de roues sur les champs en définissant avec précision les itinéraires de circulation. Les animaux (bovins, équins, porcins) peuvent également causer des tassements importants dans les zones de passage, d'alimentation ou d'abreuvement. Sur les prairies temporaires, il est conseillé de créer des chemins stabilisés pour le passage des animaux.

Intervenir en conditions réessuyées

Les interventions culturales en conditions humides ont un impact significatif sur la qualité des sols. Les fenêtres météorologiques de ces dernières années n'ont pas facilité les semis et les récoltes. Pour améliorer la qualité du sol en cas de tassements avérés, il convient d'effectuer un travail profond du sol avec un labour afin de régénérer le sol et de ne pas pénaliser les futures cultures. L'excès d'humidité empêche l'infiltration de l'eau et créé une asphyxie racinaire. Le labour corrige ces effets négatifs et améliore la porosité du sol.

Intervenir sur un sol friable

Le labour permet de travailler le sol dans des conditions d'humidité plus larges que pour les autres outils de travail du sol. Le passage d'un décompacteur requiert un sol friable. C'est pourquoi, il faut tester la friabilité de la terre en exerçant une pression manuelle sur une motte :

  • Si le sol s'effrite sans adhérer (ou peu, pour les sols argileux) et produit de la terre fine, cela indique qu'il est friable et qu'un décompactage peut être effectué ;
  • si le sol s'effrite tout en collant et en formant des boules ou se déforme, cela signifie qu'il est trop humide et qu'il y a un fort risque de lisser ou de former des mottes ;
  • si le sol est difficile à casser et génère peu de terre fine, cela signifie qu'il est trop sec, rendant le décompactage inefficace.

Il est important de noter que l'observation de la surface seule ne suffit pas. Il est nécessaire de vérifier que le sol est friable en profondeur.

Évaluation visuelle de la structure du sol

Evaluation visuelle de la structure de sol (VESS)

Une ressource pratique pour vous aider à évaluer la structure du sol et sa friabilité en toute confiance.

Télécharger le PDF

Adapter les pneumatiques

Les pneumatiques jouent un rôle sur le tassement du sol et peuvent créer des ornières qui abîment les parcelles. Selon ARVALIS, le tassement lié aux pneumatiques peut provoquer jusqu'à 15 à 20 quintaux de perte par hectare. Des solutions existent pour réduire cet impact tout en respectant des conditions d'interventions dans un sol suffisamment réessuyé.

Les pneumatiques basse pression

Les pneumatiques basse pression ont une plus grande aptitude à se déformer que les pneumatiques agraires standards. Leur plus large empreinte au sol permet de limiter le tassement vertical grâce à une meilleure répartition de la charge. Avec un volume d'air plus important, il est possible de baisser la pression jusqu'à 0,6 bars. 

Les pneus basse pression sont généralement étiquetés VF (Very High Flexion Tire) ou IF (High Flexibility). À une pression équivalente à celle d'un pneu standard, un pneu IF peut supporter jusqu'à 20 % de poids supplémentaire, tandis qu'un pneu VF peut tolérer jusqu'à 40 % de poids additionnel.

Les pneumatiques à basse pression permettent d'augment de 40% l'empreinte au sol.

Les roues jumelées

Le jumelage des roues du tracteur sur chaque essieu permet de doubler la surface de portance au sol et ainsi de baisser la pression des pneumatiques. Cette solution peu onéreuse offre les mêmes avantages que les pneumatiques basse pression. Chaque pneu doit être identique pour avoir la même pression de gonflage, afin que le poids puisse être réparti de manière homogène. Cependant, les roues jumelées sont une contrainte en termes de gabarit routier. 

Le jumelage permet d'améliorer la portance tout en réduisant l'impact sur le tassement du sol

Le télégonflage

Cette technologie innovante facilite un ajustement rapide de la pression de gonflage en fonction de l'utilisation des pneumatiques du tracteur, que ce soit sur route ou dans les champs. Sur la route, les pneus subissent moins d'usure, leur longévité s'accroît et les risques d'échauffement ou de dégradation sont nettement réduits. 

Dans les champs, la pression exercée sur le sol est réduite, ce qui diminue la profondeur de l’empreinte, atténue la résistance et aide à préserver les sols grâce à un tassement moindre. L’empreinte au sol sera plus large et plus longue, ce qui améliorera également la traction. Un autre avantage considérable est la diminution du patinage, qui peut atteindre jusqu’à 20 %. Enfin, utiliser des pneus correctement gonflés entraîne une réduction de la consommation de carburant allant jusqu’à 10 % sur route et entre 10 et 15 % dans les champs.

Aujourd'hui, beaucoup de tracteurs sont déjà partiellement équipés pour le télégonflage ce qui rend la technologie moins coûteuse et plus accessible. 

Implanter des cultures pérennes et des couverts végétaux

Après avoir restructuré mécaniquement le sol pour ramener de la porosité, il est crucial de la maintenir et de prévenir l’entraînement des particules fines en profondeur, et l'érosion en surface, par les pluies ou la compaction du sol durant l’hiver. La solution la plus efficace pour y parvenir est la colonisation rapide du sol par les racines des plantes, que ce soit à travers un couvert végétal ou une culture.

Les plantes de service, espèces implantées avant ou pendant une culture de rente, ont pour objectif de soutenir la culture implantée ou celles qui suivront dans la rotation. Elles améliorent la fertilité chimique, biologique et physique du sol : captation de l'azote au bénéfice de la culture de rente, attraction des insectes pollinisateurs tout en réduisant la présence des bio-agresseurs (les mauvaises herbes, les maladies, les ravageurs), stabilisation structurale du sol.

Les couverts végétaux protègent le sol de la battance, de l'érosion et du ruissellement. Les racines empêchent la prise en masse, et améliorent la porosité et l'absorption de l'eau en sol argileux. Malgré leur système racinaire pivotant bénéfique à la structuration du sol, les crucifères (radis, colza, moutarde, navette, etc.) ont du mal à se développer en sol tassé car les racines ont tendance à dévier et à fourcher. L'utilisation de couverts sera donc plus appropriée pour le captage de l'eau afin d'accélérer le ressuyage.

Les cultures pérennes (luzerne, trèfle blanc, dactyle, fétuque, ray-grass, etc.) présentent l'avantage de posséder un système racinaire bien plus efficace que les cultures annuelles. Leurs racines sont plus nombreuses et descendent plus profondément que les annuelles et offrent un rôle d'amortisseur dès lors qu'un engin roule sur la parcelle.

Le trèfle blanc est une culture pérenne permettant de structurer le sol en profondeur

En outre, ces plantes favorisent la photosynthèse, pilier de la régénération de la vie du sol, en captant le Co2 et en fournissant aux micro-organismes les nutriments nécessaires à la bonne santé du sol au niveau biologique, chimique et physique pour le rendre plus fertile.

Apporter de la matière organique

Les apports de matières organiques permettent aux sols de résister aux phénomènes de désagrégation, de tassement (stabilité de la structure) et de compaction grâce à sa capacité à former des complexes organo-minéraux stables qui confèrent au sol des propriétés plastiques. La matière organique contribue ainsi à assurer la capacité de respiration des sols (porosité), c'est à dire la bonne circulation des flux gazeux et liquides nécessaires au bon fonctionnement des sols. 

Le taux de matière organique et de calcium dans le sol intervient également dans la sensibilité au tassement. Tous deux sont des facteurs de la stabilité structurale puisqu'ils permettent de maintenir les éléments du sol entre eux, cela grâce à la formation de complexes argilo-humiques et de ponts calciques. 

Les amendements de matière organique, par les engrais chimiques ou organiques, augmentent l'activité des organismes vivants dans le sol (les vers de terre, les bactéries, les collemboles, les nématodes, etc.). Ces organismes bénéfiques tels que les vers de terre, aident à décomposer la matière organique en nutriments assimilables par les plantes. En se déplaçant à travers le sol pour se nourrir ou chercher un refuge, ces organismes vivants génèrent des espaces et structurent le sol. Leurs activités aèrent la terre, la draine et permettent de réduire l'érosion du sol. Les espaces ainsi créés favorisent une meilleure pénétration des racines, tout en facilitant l'accès à l'eau et à l'oxygène.

La matière organique est vitale pour la stabilité physique, chimique et biologique du sol.
SOURCE SUPAGRO

En conclusion, il est nécessaire de constater la sévérité du tassement avant d'intervenir. En cas de tassement sévère, certains la charrue est l'un des meilleurs outils pour restructurer le sol et de décompacter en profondeur. Pour cela, le labour doit être effectuer dans des conditions suffisamment réessuyées et à une profondeur adéquate. Certains outils à dents peuvent également être utilisés pour corriger des tassements au delà de 30 cm.

Il est possible d'empêcher la compaction de la parcelle aux moyens de plusieurs leviers : limiter les passages d'engins lourds, attendre le ressuyage de la parcelle avant d'intervenir, travailler sur un sol friable, adapter les pneumatiques (jumelage, pneus basse pression, télégonflage), implanter des cultures bénéfiques pour la structure du sol et ramener de la matière organique pour améliorer la fertilité des sols.

Sources:

  • https://www.firestone-agriculture.eu/blog/how-do-my-agricultural-tyres-impact-soil-compaction
  • https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/en/home/topics/environment-resources/soil-bodies-water-nutrients/soil-quality-and-use/project-strudel.html
  • https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/Stabilit%C3%A9_structurale_d%E2%80%99un_sol
  • https://www.perspectives-agricoles.com/sites/default/files/imported_files/397_284578109318259179.pdf
  • https://www.terre-net.fr/travail-du-sol/article/176106/le-labour-rend-service-et-ne-tue-pas-les-sols
  • https://www.inrae.fr/actualites/agriculture-conservation-se-passer-labour-pas-si-facile
  • https://www.terre-net.fr/travail-du-sol/article/225569/faut-il-encore-labourer-ou-pas-l-eternelle-question
  • https://www.arvalis.fr/sites/default/files/imported_files/381_9147297284832421500.pdf